Association pour la Légèreté en Equitation

International Dressage & Equitation Association for Lightness

 

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du Général Pierre DURAND, Editions Charles Hérissey

Ce superbe petit livre est divisé en deux parties : « Un homme d’exception » et « Ecrits de Georges Margot » suivies de leurs annexes : 1 Quelques notes – 2 Atmosphère et échos d’autrefois – 3 L’artiste sur soie – 4 Derniers hommages .

Photos anciennes et dessins du Cl Margot en font un document abondamment illustré .

C’est bien sûr un livre passionnant pour relater une époque, mais aussi pour rappeler avec talent et élégance les principes équestres de la tradition française … et de son berceau saumurois .

Trente cinq ans après, ses remarques sur l’équilibre ( délicat ) à trouver entre l’intervention des « consultants » allemands ( à l’époque il s’agissait de Willy Schultheis ) et le rôle de gardien des traditions de l’Ecole Française qu’avait le Cadre Noir et son Ecuyer en chef sont encore d’actualité .

La remarque du Général Durand ( p 25 ) sur une forme de pédagogie du Colonel Margot : « Si le résultat recherché s’obtenait au détriment de la manière classique, il devenait furieux » montre l’implication personnelle nécessaire dans l’enseignement .

Et la formule « un bauchérisme modéré greffé sur la tradition classique » ( p 29 ) n’est-elle pas une bonne définition de l’équitation française, même si aujourd’hui le nom de Baucher est parfois inconnu, voire vilipendé en particulier à l’étranger par de soi-disant spécialistes de dressage qui n’en connaissent pas vraiment l’histoire .

Le texte du Colonel Margot sur la doctrine équestre française en est d’ailleurs une définition et une explication en 5 pages, exceptionnel condensé de réflexion, d’expérience et de compétence pratique .

On y voit clairement la différence avec l’équitation d’inspiration plus germanique et souvent pratiquée sur les rectangles de compétition aujourd’hui . Dans celle-ci, l’impulsion est traduite par « Schwung », qui veut dire « élan », donc techniquement « énergie propulsive » ; nos amis allemands insistent bien sur le fait qu’il ne peut y avoir de « schwung » au pas . Cela enlève la dimension pourtant mentionnée dans le règlement international de « désir de se porter en avant », dimension psychologique peut-être, en tous cas liée à la générosité du cheval et à la qualité de son dressage .

L’impulsion à la française revient à ce que « lorsque le cavalier baisse la main, le cheval se coule en avant sans autre sollicitation », alors qu’un écuyer d’obédience allemande ne peut admettre qu’il le fasse sans que les aides impulsives ne le lui aient clairement demandé .

Un autre exemple en est le reculer, à la fin duquel la tradition française veut que le cheval soit prêt de lui-même à gicler en avant, alors que la pédagogie allemande prévoit de s’arrêter après le reculer, avant de ne repartir qu’à la demande . Logique, quand la méthode fait qu’on a pas le droit de parler d’impulsion aux allures marchées … !

Mais ces pages montrent bien le fossé qui existe entre cette tradition et l’équitation de compétition actuelle : « Le cavalier doit d’abord équilibrer le cheval et donner à son encolure puissance et souplesse avant de chercher à fléchir la nuque à tout prix dans une position amenant la tête au voisinage immédiat de la verticale . De cela l’impulsion se chargera au fur et à mesure de son développement . Quant à la décontraction de la mâchoire, elle aussi ne peut être que le fait d’un cheval en équilibre qui témoigne ainsi de l’harmonie de ses forces . Elle est alors facile à solliciter . » ( p 37 )

Et que voyons nous hélas trop souvent sur les rectangles ou les pistes d’entraînement : des cavaliers dont l’objectif est avant tout de placer la tête du cheval, voire de l’enfermer sous prétexte de le faire céder, utilisant effets de force, enrènements, abusant des aides soi-disant impulsives ( éperons, cravache ) auxquels les pauvres chevaux répondent de moins en moins !

La « vraie » décontraction de la mâchoire, intervenant seulement à la demande du cavalier sur un cheval en parfait équilibre, est aussi mentionnée, sans insister, et représente une vraie différence avec les muserolles serrées et les mâchoires crispées que l’on voit trop souvent en compétition .

Les objectifs de l’équitation décrite et du dressage de concours sont cependant les mêmes, en particulier la souplesse, qui est « surtout fonction du jeu élastique du dos qui doit apporter sa contribution la marche » ( p 38 ). « Un dos est élastique lorsqu’il a été éduqué de telle sorte que les oscillations de l’arrière main se transmettent harmonieusement à travers la croupe, le rein, l’assiette, le garrot, le ligament cervical pour atteindre la nuque et la main du cavalier . »

Mais le juge international que fut le Colonel Margot rappelle aussi les limites de certaine équitation dite française: « seul un dos élastique permet les translations de poids et les allemands dans leur enseignement ont bien raison d’insister sur ce point alors que les bauchéristes, obnubilés par la décontraction de la mâchoire, ont souvent connu l’échec parce qu’ils ont oublié que la mobilité de la mâchoire n’a de valeur que si elle a sa répercussion sur l’ensemble du cheval à travers un dos gymnastiqué par la souplesse et l’activité de l’arrière main . » Dans les lettres reprises par le Général Durand, on trouve quelques mises au point adressées aux cavaliers de l’équipe de France de complet telles que : « Quand je parle de décontraction, il ne s’agit pas d’essayer d’obtenir la mobilité de la mâchoire, mais bien la souplesse du dos et de l’ensemble du cheval . » Ecrit il y a 45 ans, ce rappel des principes de l’échelle de progression de la FEI reste d’actualité .

Le livre poursuit avec des réponses concises à des questions précises … un régal !

Les annexes sont particulièrement agréables, retraçant des ambiances, des relations humaines, des conseils techniques toujours bien écrits et pleins d’enseignement, et bien évidemment les activités artistiques du Colonel Margot .

On y trouve la reprise d’une définition de la légèreté par le Général L’Hotte, qui sous entend qu’elle ne s’obtient que lorsque le dressage du cheval est suffisamment avancé :  « Avec la légèreté qui est la flexibilité élastique de tous les ressorts, on atteint l’art . Les allures prennent alors, sous l’action des aides, une grâce, une élasticité et un éclat qui, plus que tous les airs dits de haute école, sont la marque du vrai talent . »

Revenons sur cette dernière phrase .

Juger de la valeur des cavaliers à l’aune des allures de leurs chevaux, y a-t-il plus belle mise en valeur de la bonne équitation ? Ce ne sera pas la capacité financière d’acheter ceux qui se déplacent le mieux qui départagera sur les rectangles, ni la capacité à rendre savants des chevaux comme des artistes de spectacle, mais la capacité à mettre le cheval dans toute la beauté d’allures que lui confère la nature …

Ce livre se termine par les hommages rendus lors des funérailles du Colonel Margot, comme si après lui l’équitation et le Cadre Noir ne pourraient plus être les mêmes … ce qui en cette période de mutations et d’évolution rapide confinerait à l’évidence s’il n’y avait pas la longue liste de ses successeurs au poste prestigieux d’écuyer en chef pour en assurer la pérennité  !

La lecture de cet ouvrage riche d’une ambiance équestre incomparable ne peut laisser indifférents les passionnés, même si elle laisse rêveur face aux changements du monde du cheval que nous fait connaître l’époque actuelle …

BM 14/03/2012