Par : Nicolas BLONDEAU - Sophie BARREAU - Louis BASTY - Florence MEA
Octobre 2019
Le débourrage : qu’est-ce que c’est ?
« Travailler » est une activité sociale humaine que les animaux partagent avec l’humanité depuis le néolithique. « Travailler », c’est investir son corps biologique mais aussi son psychisme (Christophe Dejours, 2003). Une étude de Jocelyne Porcher (Inra) a démontré que les animaux domestiques sont capables de prendre des initiatives pour coopérer à la tâche (Porcher, Lainé et Estebanez, 2016).
Pour le jeune cheval, le moment du débourrage est un moment de rupture avec le milieu connu de l’élevage pour entrer dans une nouvelle vie. Il devra se confronter à 3 nouveaux enjeux :
- Rompre avec le monde de l’enfance, certains éleveurs définissent le débourrage comme un deuxième sevrage (Porcher et Barreau, 2019) ;
- Faire de nouveaux apprentissages ;
- Gérer de nouvelles relations avec l’humain (Porcher et Barreau, 2019).
C’est pourquoi un débourrage réussi consiste en la construction d’un mode de communication cohérent et stable (Ifce, 2015).
Débourrer un jeune cheval, c’est lui présenter des situations réelles de travail en décomposant le plus possible les apprentissages pour s’assurer que le cheval est capable de réussir l’exercice, sans pour autant aplanir les difficultés réelles auxquelles il devra faire face tout au long de sa carrière.
En revanche, entrer dans le travail relève aussi d’un investissement affectif dans la situation d’apprentissage. La responsabilité de l’éducateur est de construire une relation bienveillante avec le jeune cheval qui est dans une situation similaire à un apprenti humain, c’est-à-dire un travailleur accompagné (Porcher et Barreau, 2019).
Les fondamentaux du débourrage
Monter ou atteler sont des finalités. Il existe entre elles des principes de base communs. Le trait commun, c’est le travail rapproché. Pour monter ou pour atteler, rien ne doit être entrepris avec le jeune cheval sans passer par le travail à pied. Ce travail à pied nécessite toujours, quelle que soit la discipline, cohérence et détermination. Ces principes communs se retrouvent dans l’usage du regard, de la voix, de la position et du toucher.
Les moyens employés lors du débourrage
Notre position, notre main, notre voix, notre attitude face au cheval… rien ne doit être laissé au hasard © A. Laurioux | La position
Lors du travail à pied, il doit y avoir rapprochement des corps entre l’humain et le cheval, c’est-à-dire une proximité entre les deux partenaires, soit dans une posture de face-à-face, soit dans une posture de côte-à-côte. La main La proximité entre le corps de l’homme et celui du cheval permettra à la main d’agir, c’est-à-dire de toucher le cheval et de préparer la relation main-bouche. La voix La voix oriente les actions, elle rassure et elle sanctionne. |
L’attitude de l’humain face au jeune cheval lors du débourrage
Le cavalier doit s’engager dans la relation par son regard, par sa voix et son toucher. Nicolas Blondeau l’illustre par cette phrase : « Sans âme, la voix n’est rien qu’un son ».
Cohérence et détermination
Le cheval doit sentir la volonté de l’humain de l’accompagner avec toute sa conviction dans l’aboutissement de la tâche. La force de l’humain, c’est la détermination, et la douceur de l’humain, c’est la cohérence.
Principes de l'équitation de tradition française
« Calme, en avant et droit » (Général Alexis L’Hotte, écuyer en chef du Cadre noir, 1825-1904)
Calme
Seul le calme permet d’obtenir l’attention du cheval aux différentes demandes de l’humain. L’attitude que le cavalier doit avoir en abordant le jeune cheval est donc de soutenir le cheval dans l’effort. Pour cela, le cavalier ou le meneur doit être attentif à son cheval et seulement à lui. Sa voix doit tout d’abord rassurer, mais aussi encadrer.
En avant : l’impulsion associée au contrôle de la locomotion
Il s’agit d’apprendre au cheval un mode de communication cohérent, en ayant décomposé au maximum les apprentissages pour s’assurer que le mode de communication soit parfaitement compris par le cheval. Ce mode de communication permettra d’obtenir la mise en avant.
Droit : principe de légèreté
Dès le début, il faut faire travailler le cheval dans l’allure demandée, ce qui implique de mettre le cheval dans ce principe de rectitude dès les premiers apprentissages.
Tout commence toujours par le travail à pied
Monter ou atteler un cheval sont des finalités, avec des principes de base communs. Ce premier trait commun est le travail à pied. Monter ou atteler, tout commence par le travail à pied. Voici les premières étapes du débourrage communes à toutes disciplines équestres.
2ème étape : apprendre au cheval à accepter la tension sur la longe
1ère étape : aborder le cheval au box | |||||
Abord du cheval au box : le mettre en confiance pour bien débuter la relation de travail © A. Laurioux | La première étape est de toucher le cheval sur les parties les moins sensibles, c’est-à-dire l’encolure, le garrot, puis la tête. Au niveau de la tête, il s’agit de préparer le cheval à recevoir un mors. On met le filet en place, sans hésitation. Les montants du filet peuvent être réglés de façon à ce que le jeune cheval ne soit pas tenté de passer la langue. Il est préférable de protéger les membres du jeune cheval avant tout travail. On devra donc poser des protections. Pour préparer le cheval à recevoir des protections, il faut lui faire sentir l’objet, puis précéder la pose des guêtres par le contact de la main à l’extérieur et à l’intérieur du membre. | ||||
2ème étape : apprendre au cheval à accepter la tension sur la longe | |||||
Apprentissage de la tension sur la longe © A. Laurioux | Il s’agit d’apprendre au cheval à répondre à la tension sur la longe par la mise en avant, c’est-à-dire d’avancer en réponse à l’action de la main (la main impulsive, la main qui donne l’impulsion). Le rapport entre la main du cavalier ou du meneur et la bouche du cheval est le fondement (philosophique) de l’équitation de tradition française. Les hommes de cheval en parlent avec poésie. Nicolas Blondeau dit : « On prend un cheval par la bouche comme on prend un enfant par la main ». Louis Basty compare l’action de la main sur les guides à « l’action d’un père qui rassure son fils en lui mettant la main sur l’épaule ». Chaque fois, l’action combine efficacité, tact et discrétion. |
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3ème étape : habituer le cheval à la baguette | |||||
Séance d’habituation à la baguette © A. Laurioux |
La baguette, la chambrière ou le fouet, ces instruments doivent servir à donner des indications au cheval et non à lui faire peur ou à le faire fuir. La fuite est donc un réflexe alors que la course est une stratégie. Nicolas Blondeau illustre la différence entre fuite et course par cette phrase : « La différence entre la fuite et la course, c’est que la fuite commence vite et finit lentement, alors que la course commence lentement et finit vite ».
Pendant le travail à pied, il faut habituer le cheval à se porter en avant sur l’action de la baguette, en lui démontrant que le mouvement de cet objet n’est pas négatif ou menaçant pour lui. |
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4ème étape : mettre le cheval dans une situation réelle de travail, potentiellement difficile | |||||
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Baucher disait qu’il faut « aller chercher les résistances pour mieux les vaincre ». Le cheval que l’on éduque, que ce soit pour l’attelage ou la monte, aura à travailler avec l’homme. Il rencontrera alors des situations inquiétantes ; il ne pourra s’y confronter et les dépasser que si, en bon maître d’apprentissage, le meneur ou le cavalier le soutient dans l’effort et lui prouve qu’il est capable de le faire.
Exemples : embarquement dans un van ou bien passage dans une porte cochère étroite pour un cheval attelé |
Quand le jeune cheval a assimilé ces premiers apprentissages, il est prêt à aborder les étapes spécifiques du travail monté ou attelé, en commençant par la mise en place de la selle ou du harnais.