Association pour la Légèreté en Equitation

International Dressage & Equitation Association for Lightness

 

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La voix du cavalier est une aide naturelle dans la communication avec le cheval. Cette fiche aborde la communication verbale et non-verbale pour l’être humain et le cheval, les sons ou termes couramment employés en équitation, et la façon dont ils sont appris par le cheval. Y sont également présentés les résultats d’études scientifiques sur l’effet de la musique et de la voix sur les chevaux.

La voix du cavalier 1

Auteurs : Éléna PYCIK Ingénieure de recherche « Équitation » IFCE, Olivier PULS Écuyer du Cadre noir de Saumur et formateur IFCE,
Honorine TELLIER Docteur en langue et littérature françaises - ingénieur de projets & développement IFCE, pour Equipédia - IFCE

Généralités sur la voix

La voix est une aide naturelle. Pour l’être humain, son emploi est spontané, mais pour qu’elle devienne une aide précise en équitation, son usage doit être maîtrisé et conscientisé.

La communication inter-humaine repose essentiellement sur la communication verbale (échanges oraux) tandis que pour les équidés, c’est la communication non-verbale (postures, gestes) qui prime.

Cependant, les chevaux sont très sensibles aux sons et leur ouïe est bien développée. Dans leur monde sensoriel, ils entendent des sons compris entre 55 Hz et 33 500 Hz (quasi la même gamme que pour l'Homme, mais ils entendent aussi les ultrasons). Certaines méthodes de travail utilisent ainsi les capacités auditives du cheval, notamment celle du clicker training.

La voix a plusieurs fonctions. Elle peut amorcer la communication humain-cheval, rassurer, encourager, mettre en garde ou demander une action au cheval. Selon les fonctions et la sensibilité du cheval, le cavalier module sa voix : plus aigüe ou plus grave, plus sèche ou plus douce.

La voix du cavalier 2
Les chevaux étant très sensibles aux sons... © N. Genoux / IFCE

 

La voix du cavalier 3
... certaines méthodes, comme le clicker training,
utilisent leurs capacités auditives © A. Laurioux / IFCE

 

csm Schema communication verbale selon Roman Jakobson ef7cbe4e8f

 

 

 

La communication verbale

La communication verbale humaine, orale ou écrite, a été schématisée par le linguiste Roman Jakobson, dans un modèle mettant en scène les facteurs et fonctions du langage. On peut le résumer ainsi :
Un destinateur envoie un message à un destinataire. Il le fait dans un contexte particulier, à l’aide d’un code commun et d’un canal de communication (support physique / contact psychologique).

Ainsi, une personne A (destinateur) va par exemple s’adresser (message) à une personne B (destinataire) à Saumur, en France (contexte), lors d’une discussion orale (contact) effectuée en français (code).

 

 

 

 La voix du cavalier 4
La communication verbale, principal mode de communication entre humains © Antoine Bassaler

 Ces facteurs sont liés à des fonctions du langage. La langue humaine suit plusieurs objectifs :

  • La mise en place et le maintien de la communication ⇒ fonction phatique
  • L’expression des émotions ⇒ fonction expressive
  • Le renvoi vers des éléments du monde extérieur ⇒ fonction référentielle
  • La production d’un effet chez le destinataire ⇒ fonction conative

Elle permet également d’accorder un rôle et un sens particulier à la forme même du message (style, expression, structure, aspect). Pour être viable, une langue déploie un ensemble d’outils (grammaire, orthographe, vocabulaire) assurant une base commune : c'est la fonction méta-linguistique.

Cette communication verbale entre humains se décline jusqu’à un certain point dans la communication verbale avec le cheval. Du fait de ses capacités auditives, ses compétences cognitives et sa sociabilité, celui-ci est apte à recevoir des messages émis par l’être humain. Cela nécessite néanmoins la mise en place d’un code.

 À l'état naturel, le cheval étant une proie et non pas un prédateur, il assure sa sécurité par la discrétion de sa communication. Les sons produits par le cheval (hennissement, ébrouement, soufflement…) se font soit dans des contextes d’extrême urgence, soit dans des environnements où le cheval se sent en sécurité.
Les messages sonores produits par le cheval sont considérés comme de la communication para-verbale d’un point de vue linguistique (une composante de la communication non verbale). Ces messages sont difficilement accessibles pour l’être humain, qui ne dispose pas du code. Il peut néanmoins l’interpréter du fait du contexte, de la bonne connaissance du comportement équin et de la familiarité avec le cheval qui l’a émis (destinateur).

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Même s'il lui arrive d'hennir dans certaines situations, le cheval
communique surtout de façon non verbale © N. Genoux / IFCE

 

La communication non verbale

La communication non verbale recouvre les formes d’expression (dont les émotions) s’appuyant notamment sur le corps et sa gestuelle. Les chevaux communiquent entre eux principalement par gestes (mouvements de queue, d’oreilles, de membres…), mais également par des expressions faciales.
L’être humain déploie également cette communication, mais de manière plus secondaire, la voix et l’écrit étant prépondérants dans l’organisation des échanges entre humains. En côtoyant le cheval, il va devoir développer sa capacité à lire les gestes corporels, mais aussi à les produire, afin de faciliter l’échange communicationnel avec le cheval.

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Cheval menaçant, oreilles couchées © A. Laurioux / IFCE

 

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Pas toujours besoin de mots, la gestuelle des chevaux en dit
déjà long... © L. Launay / IFCE

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... il faut apprendre à la lire pour mieux communiquer
avec eux © L. Launay / IFCE


L’usage de la voix pour apaiser ou stimuler le cheval est présent dans les ouvrages équestres. Ainsi, pendant l’Antiquité, Xénophon (De l’équitation) mentionne le sifflement et l’appel de langue. Au 18ème siècle, La Guérinière (École de cavalerie) écrit un paragraphe sur le sens de l’ouïe utile pour dresser les chevaux et dans lequel il traite notamment du ton doux ou rude du cavalier. Aux 19ème et 20ème siècles, Baucher (Méthode d’équitation) et Decarpentry (Équitation académique) évoquent « l’effet moral » de la voix sur le cheval.


Les sons ou termes couramment employés en équitation

csm cavaliere qui encourage son cheval sur un parcours de cross 3676a16ab6Pour qu’un terme ou un son soit impactant pour le cheval, le cavalier doit être attentif à son choix de vocabulaire et l’usage qu’il en fait. Tout d’abord, les termes ou les sons choisis doivent être facilement distinguables pour le cheval (éviter les termes à la sonorité trop proche et privilégier les mots courts, avec maximum deux syllabes). Ensuite, dans l’usage, le cavalier doit faire attention à la manière dont il accentue chaque terme et ne l’associer qu’à une seule demande.


Les sons

  • « Hôôôôôô-hôôôôôô » ou « Hôôô - la » ⇒ pour ralentir ou s’arrêter
  • « Hôôôôôô pas », « Hôôôôôô trot » ⇒ pour passer à l’allure inférieure, du trot au pas ou du galop au trot
  • [Claquement / appel de langue] ⇒ encouragement pour dynamiser le cheval

Le souffle est une aide vocale plus discrète que la voix. Il permet au cavalier de se décontracter et peut devenir le signal d’une transition descendante chez le cheval. Au début de l’apprentissage, cette aide doit être accentuée afin que le cheval la perçoive bien.

En équitation américaine, le son du bisou (« kiss » en anglais) peut être utilisé comme signal vocal pour le départ au galop.

Les termes

  • « Maaaarche(r) ! », « Trooootte(r) ! », « Gaaaalop ! » ⇒ pour prendre l’allure souhaitée
  • « Reeeecule ! » ⇒ pour demander au cheval de reculer
  • [Nom du cheval] ⇒ pour prendre contact avec le cheval ou attirer son attention
  • « C’est bien ! », « Ouiiiiiiii ! » ⇒ pour faire comprendre au cheval qu'il a bien répondu à la demande
  • « Noooon ! », « Héééé ! » ⇒ pour avertir le cheval qu’il réalise une action que le cavalier n’approuve pas
  • « Doooonne ! » ⇒ pour demander au cheval de lever son pied

La liste ci-dessus n’est pas exhaustive. N’importe quel terme peut devenir un signal suite à un apprentissage.

 


Au début du 20ème siècle, un équidé avait défrayé la chronique : Hans Le Malin, ce cheval était, disait-on, capable de compter. Il donnait en effet la réponse à des calculs qu'on lui posait, le chiffre coïncidant avec le nombre de fois où il frappait le sol du sabot. En réalité, il se peut que le comportement implicite des êtres humains ait permis au cheval de donner les bonnes réponses. La philosophe Vinciane Despret s'est notamment intéressée à ce cheval savant. À la fin du siècle, Danièle Gossin, docteure en éthologie, s'est penchée sur la question du nombre de mots qu'un cheval peut retenir et comprendre. Dans son livre Parler au cheval et être compris, elle propose des réflexions sur les 15 années d'expérimentations pendant lesquelles elle a appris 181 mots à sa trotteuse Dalame. À notre connaissance, aucune étude scientifique ne s’est depuis penchée sur cette question !


 

L’apprentissage des codes vocaux chez le cheval

Le cheval associe un terme ou un son avec une action par le biais d’un apprentissage par association. La voix étant un stimulus neutre pour le cheval, si l’on souhaite s’en servir pour une action, il faut d’abord qu’elle soit associée à un stimulus qui a de la valeur pour le cheval. Une fois que ce signal a pris de la valeur pour le cheval, il est possible de l’utiliser en tant que code vocal à part entière. Néanmoins, si le terme ou son est utilisé à profusion, sans l’associer à chaque fois à l’action demandée, il perd son sens (sa valeur) pour le cheval, qui s’y habitue et ne le prend plus en compte. C’est un phénomène d’habituation.

 


Le terme de « chuchoteurs » est associé à l’équitation dite éthologique (« horsemanship » en anglais). En réalité, ses spécialistes ne chuchotent pas véritablement à l’oreille des chevaux. Ils peuvent cependant utiliser des codes vocaux avec les chevaux. Cette appellation provient du livre de Nicholas Evans The Horse Whisperer, traduit en français par « L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux ».


 

Qu'en disent les études scientifiques ?

La sensibilité auditive du cheval a été étudiée. Le premier champ d’étude s’intéressait à l’effet de la musique sur le cheval. Ce n’est que très récemment que l’impact de la voix a fait l’objet de recherches.

La musique apaise les chevaux

Les chevaux sont réceptifs à la musique. Elle a un effet apaisant, à la fois dans le milieu de vie des chevaux, mais aussi lors de situations stressantes telles que le sevrage, l’isolement social, le transport ou la maréchalerie (Houpt, 2000 ; Wilson, 2011 ; Carter, 2012 ; Lansade, 2014 ; Neveux, 2016).

Cet effet apaisant s’observe à la fois au niveau comportemental (moins d’indicateurs de stress), mais aussi au niveau physiologique (des fréquences cardiaques modifiées). Les chevaux sont également sensibles aux caractéristiques de la musique : sa structure, sa vitesse, son harmonie ou encore ses fréquences (Eyraud, 2021).

Il semblerait que les musiques classique et country relaxent plus les chevaux que le jazz ou le rock (Carter, 2012).

Les modulations vocales dans la communication avec le cheval

Plusieurs approches se sont intéresséeals à l’impact des modulations de la voix sur le cheval : l’utilisation de la voix avec les jeunes chevaux, l’expression d’émotions à travers un langage non-verbal ou encore le baby talk.

L'importance de la voix dans la formation du jeune cheval

La voix est prédominante dans la formation des jeunes chevaux et permet de mettre en place une bulle affective autour du cheval. Dans le cadre d’une étude exploratoire du programme ChevalEduc, la voix de plusieurs cavaliers formateurs de jeunes chevaux a été analysée par un musicien expert. Il en ressort que tous les cavaliers placent leur voix dans une tessiture plus grave que leur tessiture habituelle, comme pour bercer le jeune cheval. De plus, les cavaliers qui parlent avec le plus de régularité dans leur voix obtiennent le plus de gestes de contact de la part des chevaux. Cette régularité serait le témoin d’une parfaite gestion des émotions et rassurerait le cheval (Barreau, 2020).

Expressions d'émotions au travers d'un langage non verbal

Une étude a montré que les chevaux sont capables de distinguer les voix humaines (D’Ingeo, 2019). Plusieurs autres études ont également montré que les chevaux sont capables de distinguer l’émotion exprimée dans des vocalisations non-verbales humaines, selon qu’elle soit positive (la joie par exemple) ou négative (la colère par exemple) (Smith, 2018 ; Trösch, 2019). De la même manière, les chevaux sont capables de différencier des voix d’enfants à celles d’adultes (Jardat, 2022).

Le baby talk

Le baby talk est une forme d’intonation de voix particulière, que l’on emploie naturellement avec les bébés et les animaux. Elle est caractérisée par une voix qui monte dans les aigus, des intonations exagérées et la diffusion d’émotions positives. Une étude a montré que les chevaux sont très sensibles au baby talk. Cela facilite la communication humain-cheval, les chevaux comprenant mieux nos intentions (Lansade, 2021). Le baby talk rend les chevaux plus attentifs et a un effet d’éveil sur ces derniers (Jardat, 2022).

 


Bibliographie

Généralités

  • DESPRET V. (2004). Hans : le cheval qui savait compter. Les Empêcheurs de Penser en Rond, 136 pages.
  • Fédération Française des Sports Équestres (1974). Manuel d’Équitation. Lavauzelle, 140 pages.
  • GOSSIN D. (1999). Parler au cheval et être compris. Maloine, 2ème édition revue et complétée, 136 pages.
  • LANSADE L. et PULS O. (2021). Comment le cheval apprend-il ? Bien l'éduquer en suivant les théories de l'apprentissage. IFCE, 112 pages.
  • SENN C. (2017). L’art de la voix avec le cheval. Belin, 238 pages.

Articles scientifiques

  • BARREAU S. (2020). La voix, vecteur et témoin de la relation au cheval. Journées Sciences et Innovations Équines (JSIE), IFCE, 4 pages.
  • CARTER C. and GREENING L. (2012). Auditory stimulation of the stabled equine ; the effect of different music genres on behaviour. Proceedings of the 8th International Equitation Science Conference, Royal (Dick) Veterinary School, Edinburgh, 18th, page 167.
  • EYRAUD C., VALENCHON M., PETIT O., PRANG M., MASSOL E. and ADAM O. (2021). Comment choisir une musique pour apaiser les chevaux ? Journées Sciences et Innovations Équines (JSIE), IFCE, 4 pages.
  • HOUPT K., MARROW M. and SEELIGER M. (2000). A preliminary study of the effect of music on equine behavior. Journal of Equine Veterinary Science, 20(11), pages 691-737.
  • JARDAT P., CALANDREAU L., FERREIRA V., GOUYET C., PARIAS C., REIGNER F. and LANSADE L. (2022). Pet-directed speech improves horses’ attention toward humans. Scientific Reports, 12(1), pages 1-8.
  • JARDAT P., RINGHOFER M., YAMAMOTO S., GOUYET C., DEGRANDE R., PARIAS C., REIGNER F., CALANDREAU L. and LANSADE L. (2022). Horses form cross-modal representations of adults and children. Animal Cognition, 1(0123456789), 3.
  • LANSADE L. (2021). Le cheval sensible à nos émotions et au « baby talk ». Journées Sciences et Innovations Équines (JSIE), IFCE, 4 pages.
  • LANSADE L., VALENCHON M., FOURY A., NEVEUX C., COLE S.W., LAYÉ S., CARDINAUD B., LÉVY F. and MOISAN M.P. (2014). Behavioral and transcriptomic fingerprints of an enriched environment in horses (Equus caballus). PLoS ONE, 9(12), pages 1-19.
  • NEVEUX C., FERARD M., DICKEL L., BOUET V., VIDAMENT M., PETIT O. et VALENCHON M. (2016). La musique adoucit les mœurs… et diminue le stress. Journée de la Recherche Équine (JRE), IFCE.
  • SMITH A.V., PROOPS L., GROUNDS K., WATHAN J., SCOTT S.K. and McCOMB K. (2018). Domestic horses (Equus caballus) discriminate between negative and positive human nonverbal vocalisations. Scientific Reports, 8(1), pages 1-8.
  • TRÖSCH M., CUZOL F., PARIAS C., CALANDREAU L., NOWAK R. and LANSADE L. (2019). Horses categorize human emotions cross-modally based on facial expression and non-verbal vocalizations. Animals, 9(11), page 862.
  • WILSON M.E., PHILLIPS C.J.C., LISLE A.T., ANDERSON S.T., BRYDEN W.L. and CAWDELL-SMITH A.J. (2011). Effect of music on the behavioural and physiological responses of stabled weanlings. Journal of Equine Veterinary Science, 31(5-6), pages 321-322.