par Jean-Claude BARREY et le Dr Christine LAZIER ( Editions VIGOT – 2010 )
sous-titre : Etude des relations des chevaux entre eux, avec leur milieu et avec l’homme
Dans sa préface, le scientifique unanimement reconnu Bertrand Langlois explique tout simplement que ce livre et la compétence de ses auteurs vont nous aider à « modifier sensiblement les mécanismes innés du cheval à des fins de dressage ». En clair, mieux comprendre l’animal pour mieux s’entendre avec lui, aux fins de le dresser !
Et l’ouvrage est à la hauteur de cette ambition.
Un point à noter tout d’abord : il nécessite de revoir son vocabulaire, et de se familiariser avec des notions diverses : acquis et inné, ok ; appétence – bulle – champ détendu, à réviser ; conditionnement – dominance – épigénétique – espace – éthogramme – habituation - incohérence, ce n’est pas ce que vous croyez ; limbique – néoténie – opérant (apprentissage) – PAS (potentiel d’action spécifique), il va y avoir du travail pour assimiler ces mots-là, ces quatre notions essentielles-là ; programme d’action inné – relation – sauvegarde – stress, on s’y retrouve …
Le premier chapitre est en fait un rappel des connaissances scientifiques sur notre animal favori. Ces pages vous mettent dans l’ambiance, et actualisent vos connaissances, c’est parfait. Dès le second chapitre, on étudie les fonctions cognitives chez le cheval, à partir de l’interrogation bien connue : « est-il intelligent ? ». Puis, on nous explique clairement ce que peu de gens savent : « comment gère-t-il son espace ? ». Les deux dernières phrases nous rassurent sur les intentions de nos deux auteurs : « …son intelligence, sa grande sensibilité affective et la confiance qu’il peut manifester à ses parents adoptifs que sont les humains en font un compagnon irremplaçable, fidèle depuis l’aube de la civilisation. Sans le cheval, l’homme d’aujourd’hui aurait probablement été très différent de ce qu’il est. ». A mon sens, cette phrase pourrait servir à amorcer un éventuel débat avec certains de ces animalistes qui critiquent si stupidement le simple fait de monter sur les chevaux et de les faire travailler !
Revenons à cet excellent ouvrage : les chapitres suivants clarifient les connaissances sur le système nerveux, et différencient l’inné et l’acquis dans le comportement du cheval, animal domestique et non sauvage. Ils précisent la relation du cheval avec son environnement et la structuration de son espace, notions utiles à faire passer dans le public d’aujourd’hui pour faire mieux connaitre son fonctionnement propre. Comportement sexuel, relations sociales entre chevaux, rythmes biologiques, rapports avec les autres espèces, ce livre est une mine d’informations !
Du chapitre 12 au chapitre 14 on aborde avec clarté et donc fort utilement l’interaction homme/cheval et les contraintes que cela peut représenter pour l’animal, ce dont l’humain n’a pas toujours idée. Mais dès le chapitre suivant, les dresseurs retrouvent les règles connues : facilitation, habituation, accoutumance … et conditionnement. La suite traduit en pratique ces connaissances écologiques lors du chapitre Débourrage. Son dernier paragraphe « A cheval, qui suis-je ? » voit sa réponse apportée par les premiers paragraphes du chapitre suivant « Un bouquet de sensations » !
En particulier, un tableau présente les états de tension croissante du cheval : sa base en est le « champ détendu », niveau sans stress dans lequel le cheval en apprentissage va revenir dès qu’il est récompensé ; le plus haut niveau de tension correspond aux états d’inhibition de toutes les actions du cheval, appelées par l’humain « rétivité » mais qui ne sont en fait que des pathologies liées à sa totale incompréhension de ce qui lui est demandé. Dans les états de tension intermédiaires, le cheval se défend, tant qu’aucune solution n’a été trouvée pour rétablir la cohérence de ses actions. Ce tableau simple mériterait d’être explicité et enseigné auprès de tous ceux qui souhaitent travailler un cheval, ou auprès de ceux qui veulent faire profession de dresser les chevaux et d’en transmettre les techniques, qu’ils soient ou non qualifiés d’écuyers.
Le circuit de la récompense est illustré par un schéma du cerveau du cheval. Et il implique l’adaptation de la posture du cavalier aux mouvements qu’il demande à son cheval, ce dernier s’y adaptant grâce au fonctionnement de ses neurones-miroirs. La science vient ici confirmer la nécessaire harmonie du couple cavalier-cheval, qualité qui était classiquement définie comme l’ensemble souplesse, liant, tact équestre de nos anciens. En effet, les actions du cheval monté restent absolument conditionnées par la gestion corporelle du cavalier.
Le chapitre suivant étudie les pathologies du comportement et évoque les solutions à y apporter. Il est suivi d’un chapitre d’observations sur tout ce qui est encore inconnu pour nous chez le cheval, que ce soit dans son comportement, ou dans son « potentiel d’action spécifique », dans sa sélection génétique, dans l’évolution de son travail, ou dans sa neuro-physiologie … liée à ses bien connues capacités de stress. La conclusion s’intitule « Ce que le cavalier devrait savoir » et rappelle d’abord comment vit cet animal social, à l’espace sensoriel si différent du nôtre, comment il se nourrit, comment entrer en relation avec lui, l’intéresser pour pouvoir travailler avec lui. Les bienfaits de la longe y sont d’ailleurs fort justement mentionnés.
Je terminerai par cette citation tirée du dernier paragraphe de l’ouvrage : « Les demandes doivent respecter le principe de cohérence. En effet, la moindre incohérence … réduit à néant les efforts précédents, car elle incite le cheval, en champ tendu, à se réfugier dans des valeurs plus sûres, c’est-à-dire dans ses propres coordinations héréditaires, c’est-à-dire ses défenses. » Qu’avec science ces choses-là sont dites (alors qu’en enseignant l’accord des aides, on se contente de méchamment dire au cavalier en recherche de ne pas demander quelque chose au cheval tout en l’empêchant de le faire) ! Dernière citation : « Cohérence, tact, fermeté et patience, tels sont les mots à privilégier pour obéir à la nature du cheval, et donc la diriger. » Merci aux auteurs de nous avoir donné cette phrase de conclusion, ils savent de quoi ils parlent …
BM 15/11/2020